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Inauguration du Mois des 3 Mondes : la force du témoignage d’un réfugié afghan

mardi 13 novembre 2018, par Myriam Heilbronn

"Ma famille a quitté l’Afghanistan à cause de la guerre quand j’avais seulement 2 ans et nous avons vécu en Iran en tant que réfugiés. La vie là-bas est dure. Mon père – poète de carrière – a dû travailler dans la construction pour pouvoir boucler les fins de mois et j’ai moi-même commencé à travailler quand j’avais 9 ans. Néanmoins, j’étais déterminé à faire des études universitaires, donc quand j’ai eu 17 ans, je suis retourné à Kaboul et je me suis inscrit en Sciences politiques.
Pendant mes études, je me suis intéressé à la photographie et j’ai commencé à travailler en tant que photojournaliste dans un magazine hebdomadaire, élargissant rapidement mon activité à d’autres types de média. La guerre commencée par les Talibans est une grande source de violence, et à partir de 2015, les Talibans et l’État Islamique ont créé des « trous noirs » d’information dans tout le pays. Il est alors devenu évident que je devais partir.
Je suis arrivé à Paris en 2015 sans rien et seul, et j’ai dormi dans les rues pendant deux semaines. J’ai ensuite pu rester à la Maison des Journalistes. Dès mon arrivée, j’ai réussi à assurer mon statut de réfugié et je me suis inscrit à un Master à la Sorbonne. Mais surtout, je continue à travailler comme journaliste, en rapportant les problèmes des réfugiés, mais également en mettant l’accent sur des thèmes culturels, sportifs et politiques. C’est impossible pour les gens de comprendre ce qui se passe vraiment dans des pays comme la Syrie, l’Irak et l’Afghanistan sans des voix et des journalistes locaux. Je suis fier d’être afghan et je continuerai à me battre pour que ces histoires soient écoutées." - Mortaza Behboudi

Mortaza Behboudi est maintenant un photo-journaliste … reconnu par de nombreux confrères et médias français comme Libération, Médiapart, Politis, l’Humanité… et des personnalités du monde audio-visuel comme Philippe Rochot qui nous l’a fait connaitre. Il compte parmi les 400 journalistes exilés qui sont passés par la MDJ (Maison des journalistes).
Aujourd’hui il ouvre un nouveau média, Guiti News, un média indépendant, collectif et collaboratif porté par des journalistes réfugié(e)s et des journalistes français(e)s. La levée de fonds se termine le 15 novembre sur ULULE.

Invité pour « témoigner » à l’inauguration du 35ème mois des 3 mondes sur le thème « Construisons des ponts, pas des murs », il nous a tous impressionnés par le récit de son parcours, l’évocation de son arrivée en France, évoquant notamment après un temps d’errance dans Paris le soutien de la Maison des journalistes jusqu’à l’obtention de son statut de réfugié lui permettant d’exercer son « métier ».
Il nous a ensuite fait part de ses choix et engagements professionnels comme photo journaliste afghan, ayant grandi en Iran, deux pays qui lui sont actuellement interdits d’accès mais qui renforcent sa conviction d’un travail pour la liberté d’expression et la protection et l’accompagnement des réfugiés politiques, sans oublier les autres, principalement autour du bassin méditerranéen …
Il a tenu aussi à nous faire comprendre que c’est son Histoire personnelle qui est à la racine de sa vocation professionnelle. C’est son parcours familial et sa confrontation avec l’intégrisme des Talibans dès l’enfance, puis son interdiction aujourd’hui à pouvoir retrouver sa famille en Iran qui renforcent sa volonté de témoigner par son métier et d’exercer sa profession au service de la liberté des peuples, en se tournant vers les réfugiés et en luttant par ses reportages pour un droit d’expression et la liberté de la presse.
Il a enfin rappelé à chacun d’entre nous que l’intégration de chaque personne réfugiée dans le pays d’accueil passe, avec l’apprentissage de la langue et l’acquisition de papiers lui permettant de travailler, par la reconnaissance du savoir-faire et du savoir être et non par une relégation à des métiers de remplacement, des petits boulots sans avenir ou l’attribution d’aides sociales, chacun, ici, devant être reconnu pour ce qu’il EST.
Il nous a exprimé tout cela sans pathos mais avec force et une grande maîtrise de la langue française.
Pour moi, c’est un « Grand Bonhomme » dont le monde reparlera que nous avons eu la chance d’accueillir pour cette inauguration du mois des 3 mondes samedi dernier 10 novembre 2018. Et , avec, la Maison du Monde et tous les passants qui fréquentent cette place, nous attendons avec impatience la venue de son exposition « Waiting » à partir du 19 novembre prochain sur la place de l’Agora.
Personnellement, j’espère que cette exposition, reflet d’une réalité actuelle trop souvent occultée, renforcera notre conviction de dépasser les préjugés racistes et xénophobes pour faire tomber les murs de silence, d’incompréhension, d’irrespect de l’autre, de haine et d’enfermement, qui trop souvent minent ou détruisent nos sociétés ou les rendent complices de tant de violations de libertés et de détresses humaines injustifiables …